Un esprit plus fort que la matière

Foire aux questions

Le fakirisme est une notion qui demeure obscure et fantastique, et chaque personne en fait son interprétation : ascètes soufis, mystiques hindous, saltimbanques… Henri a développé au fil des ans une série de numéros bien à lui, dont certains, extraordinaires, correspondent à l’image que l’on se fait des fakirs. Chose certaine, il prenait un malin plaisir à parler de ses numéros et à répondre aux questions des spectateurs ébahis.

Quels numéros Henri le fakir a fait durant sa vie ?

  • Se coucher sur un lit de clous avec une personne sur ses jambes et une autre sur sa poitrine (pour rendre le numéro plus difficile et impressionnant !);
  • Se transpercer avec des longues aiguilles dans les flancs, la poitrine, les joues, la gorge et la langue (Henri a déjà fait la variante de se clouer la langue aussi);
  • Se transpercer les flancs et la poitrine avec un poignard ;
  • Se mettre des anneaux de métal au travers de sa poitrine (après l’avoir transpercée avec le poignard pour créer un passage dans la chair);
  • Danser sur de la vitre brisée;
  • Manger de la vitre (verres d’eau, coupes de vin);
  • Manger des lames de rasoir. Selon Henri, les lames Gillette « bleues » étaient les meilleures (car bien cassantes…). C’est le seul numéro que je n’ai jamais vu et que je lui ai demandé de ne PAS faire durant les deux spectacles filmés pour les besoins du documentaire;
  • Avaler tout rond des sous et des boulons. Fondent-ils dans son estomac ? Il faut voir le documentaire pour le découvrir !;
  • Mettre un tournevis dans chacune de ses narines;
  • Mettre de 6-8 clous de 2 pouces dans son nez (et les ressortir avec un aimant). Ce numéro, ainsi que celui des tournevis, étaient des numéros passe-partout. Trop facile d’en traîner quelques-uns dans ses poches et de se les enfiler dans le nez, pour surprendre la famille ou les amis ! Ou pour gagner une gageure…

Quels numéros Henri n’a jamais exécutés ?

  • Il n’a jamais marché sur des charbons ardents. Henri aurait aimé aller étudier ce tour en Inde avec de ‘vrais’ fakirs«  », mais l’occasion ne s’est jamais présentée;
  • Il n’a jamais craché du feu;
  • Il n’a jamais charmé de serpents (une chance, sinon je ne l’aurais JAMAIS assisté dans ce numéro !);
  • Il n’a jamais pratiqué la lévitation (pas devant moi en tout cas ! ).

Comment faisait-il pour ne pas avoir mal ? Les numéros étaient-ils truqués ?

AUCUN numéro n’était truqué. Les aiguilles, le poignard, les clous, la vitre… tout cela était bien vrai. De façon intuitive, Henri pratiquait l’autohypnose (un phénomène qu’il résumait avec cette phrase : « Mind Over Matter », soit « l’esprit plus fort que la matière »). Il entrait en transe avec un système d’imagerie mentale et de petits mantras qu’il se répétait et qu’il verbalisait tout haut sur scène durant ses numéros. D’ailleurs, durant le film, on l’entends parfois dire : « c’est doux, ça passe bien, c’est bon ».

OK mais le sang alors ?? Même chose. Sa capacité à s’autosuggérer que tout allait bien lui permettait de contrôler autant sa douleur que le fait de saigner. De sorte que même si on pouvait parfois voir un petit filet de sang couler des blessures qu’il s’infligeait, le sang se coagulait très rapidement. Combien de fois ai-je entendu des membres de la famille dire : « je me suis coupé mais j’ai pensé à mononcle Henri et le sang a arrêté de couler ! » Et cela fonctionnait la plupart du temps… En fait, cela fonctionnait pour tout le monde sauf moi, sa fille ! Je ne suis probablement pas très douée pour l’autohypnose… Donc malgré une brève tentative, toute jeune, de me mettre des clous dans le nez, je n’ai jamais suivi les traces de mon père. Cela dit, l’autohypnose n’explique pas tout à mon avis, comme en témoigne une des anecdotes ci-dessous.

Pourquoi faire des numéros de fakir ? Comment l’idée lui est venue ?

Henri a su très jeune qu’il avait une constitution, un physique, à toute épreuve. Il était très fort et capable de travailler sous des conditions extrêmes comme les grands froids dans nos forêts québécoises. C’est à la salle paroissiale de son village natal qu’il a vu un homme qui se disait fakir mais dont le seul numéro était de s’enfiler un clou dans chacune de ses narines (pour les retirer ensuite). Henri s’est dit qu’il pouvait faire bien mieux. Et il y est parvenu !!

Est-ce qu’Henri le fakir a connu la gloire ?

La plus grande partie de la « carrière » d’Henri le fakir s’est déroulée en Ontario (voir La vie d’Henri). Au Québec, la plus vieille coupure de presse que j’ai pu retracer est celle dans Le petit journal en 1959 (voir l’album ci-dessous), un hebdomadaire montréalais très populaire à l’époque (1926 – 1978). Durant les quelques années qu’ont pris le financement, le tournage et le montage du film (1995 – 1999), la carrière d’Henri le fakir a été en quelque sorte ravivée et certains médias québécois ont couvert son histoire. Certaines entrevues ont pu être retracées (voir ci-dessous), d’autres non. Parmi les entrevues non disponibles : une entrevue à Radio-Canada (Les années lumières, avec Sophie-Andrée Blondin, puis à TVA (Télé-Métropole à l’époque), dans une émission animée par Claire Lamarche. On peut voir dans le film un extrait de l’entrevue réalisée à la radio de Radio-Canada, dans l’émission Péchés mignons (1996) avec le comédien et animateur Martin Larocque.

Et maintenant… qui sait si, avec cet espace numérique et la toute nouvelle version restaurée de son documentaire, Henri le fakir ne connaîtra pas encore plus la gloire ?!

Des anecdotes sur Henri le fakir ?

  • Henri était ce qu’on appelle un gros mangeur et un bon vivant. Dans son jeune temps, il pouvait déjeuner avec une douzaine d’oeufs, une livre de bacon et un pain tranché complet… OUF ! Pour mystifier ses hôtes ou les serveuses au restaurant, il aimait bien commander un poulet et le manger en entier, os y compris. Il fallait voir leurs yeux ronds, devant une assiette immaculée et vide !
  • Si le numéro de danse sur la vitre est celui qu’Henri considérait le plus dangereux (un morceau pointu aurait pu lui sectionner les tendons de ses pieds – mais cela ne lui ai jamais arrivé), il en a fait un, improvisé, qui aurait pu très mal tourner. Je n’y étais pas mais mon père m’a maintes fois raconté cette anecdote… Autour d’une table, dans un bar avec des amis, on lui demande de faire un de ses numéros de fakir. N’ayant pas ses instruments avec lui, il décide de s’insérer dans les narines les fameux bâtons en forme de flèches servant à brasser les cocktails. Les tiges ont pu rentrer complètement et aisément mais en voulant les retirer trop vite, les flèches lui ont déchiré les parois internes de son nez. Il n’avait pas pensé à la forme des bâtons ! Le sang s’est mis à couler à flot et remplissait les verres vides à portée de main. Henri s’est agrippé à la table, a fermé les yeux pour se concentrer et a dit à ses amis « Attention, ça va donner un coup… ». Puis comme ça, grâce à son pouvoir d’autosuggestion, Henri a réussi à arrêter son sang de couler. Des témoins ont effectivement senti la table vibrer et ont vu deux espèces de « pailles de sang » se former. Le sang avait caillé, d’un coup, entre le nez d’Henri et le verre ! C’est avec des anecdotes comme celle-ci que je me dis que malgré l’explication rationnelle de l’autohypnose, les dons d’Henri le fakir demeureront toujours mystérieux et fantastiques.
  • Destination sud : mon père m’amène en voyage. Sur le point de passer les fouilles des douaniers à l’aéroport, je m’aperçois qu’il a caché quatre gros clous très longs dans son nez. Il rit de mon étonnement et me dit tout bas : « je veux voir s’ils vont détecter les clous, puisqu’ils sont dans mon nez. Ils ne vont pas fouiller là quand même ! » En effet… Henri a pu passer les douanes sans que ses clous ne soient détectés ! C’était aux alentours de 1994. Les systèmes de détection se sont énormément améliorés depuis, heureusement !

Piqué par le fakirisme 🙂 et l’autohypnose ?

  • L’autohypnose et la douleur chronique, article (Martin Lasalle, Nouvelles U de M), Université de Montréal, 2024
  • L’hypnose médicale gagne du terrain, article (Catherine Crépeau, Agence Science-Presse), Le Devoir 2019
  • L’hypnose qui soigne, article (Jean-François Bouthillette, Les années lumière), Radio-Canada, 2018 (pour comprendre le lien entre le contrôle de la douleur et l’hypnose)
  • Fakir, documentaire, 93 min., Helena Ignez (Brésil, 2019) (le film est en portugais et semble exploiter un thème plutôt rare : le fakirisme au féminin. En location seulement.)